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Le chien comme propre de l'Homme, Histoire d'une relation

 

Tout ce que je sais du chien, ou presque, c’est à lui que je le dois… Tout ce que je sais du chien est empirique, les livres qui lui sont consacrés ne font qu’effleurer la surface d’un sujet dont la profondeur est insondable… Tout ce que je sais du chien c’est qu’il est encore une énigme pour nous les hommes qui croyons bien le connaitre… Tout ce que je sais du chien est parsemé de quelques certitudes et de beaucoup de mystère… Tout ce que je sais du chien est qu’il mérite que nous le connaissions tout autant qu’il nous connait…. Tout ce que je sais du chien c’est qu’il joue un rôle essentiel dans nos vies et que l’histoire de notre relation est inséparable de celle de l’humanité… Tout ce que je sais du chien, parce que nous ne savons presque rien, se résume en peu de choses et se décline en quelques lignes:

Aujourd’hui la terre est riche d’environ 0,5 à 1 milliard de chiens pour 7,7 milliards d’êtres humains, ce qui fait un ratio impressionnant d’1 pour 8 (ou 9)… Bien qu’il ne soit pas raisonnable de faire ce glissement on pourrait presque imaginer qu’une famille sur deux sur la terre vivrait en compagnie d’un chien! La moitie de l’humanité serait en contact direct avec un chien (ce qui induit que la seconde moitié soit en contact indirect)… qu’on l’aime ou le méprise, il fait partie de notre quotidien, il ne passe pas un jour, où que l’on soit, sans que l’on croise un chien de près ou de loin. En ville il est parfois le seul non humain qui rappelle aux humains qu’ils ne sont pas les seuls dans l’univers !

A titre de comparaison il ne reste plus, dans le monde, que 200000 à 400000 loups. Les tests d’intelligence donnent aux loups des capacités supérieures au chiens, certes, mais force est de constater que l’intelligence de ces derniers provient en majorité de leurs formidables capacités adaptatives et d’une grande plasticité qui leur ont permet de survivre et de prospérer dans un monde que l’homme allait entièrement colonisé. A l’échelle de l’histoire, la véritable intelligence n’est-elle pas, à ce titre, la perpétuation de sa propre espèce ainsi que la capacité à s’adapter aux évolutions de son environnement ? Le chien, en tant qu’espèce, a sans doute très vite compris l’intérêt pour lui de s’associer aux humains.

En effet, le chien occupe une place sans nulle autre pareil dans la vie des hommes de sorte qu’il soit devenu quasi indissociable du devenir de l’humanité. En miroir, la quasi totalité des chiens dépendent des hommes de sorte que si l’homme est un animal à part alors le chien l’est tout autant. Quid du propre de l’homme et quid du propre du chien ? Si la question ne cesse d’agiter la science et la philosophie, affirmons que le propre de la réunion de l’homme et du chien est sans doute une alliance et un rapprochement unique dans le règne animal. La raison du succès du chien dans nos vies fait l’objet de nombreuses hypothèses mais elles n’ont, à ce jour, pas permis d’ apporter des réponses claires et consensuelles. Espérons que le chien gardera sa part du mystère…

Bien qu’il soit un « canis » au même titre que les loups, dingos, coyotes, chacals, le chien, d’après les découvertes les plus récentes en génétique, serait un descendant du loup gris, sans apport d’autres canidés comme cela a longtemps été avancé. Il y a donc une filiation, bien qu’il soit aujourd’hui difficile de l’envisager, entre un loup gris et un chiwawa.

Le chien nous a si bien domestiqué que nous ne pouvons nous passer de lui ! En explorant l’histoire des civilisations, en traversant les mers et les frontières, en arpentant, même, les territoires les plus reculées, on comprend que le chien occupe une place à part dans la vie des êtres humains. Certains chercheurs affirment, en ce sens, qu’il n’existe aucun lieu, aucune époque, où le chien est absent. On trouve canis familiaris dans toutes les sociétés du monde ou presque, depuis la préhistoire. Ce que le chien dit de nous c’est que nous ne pouvons vivre sans lui, c’est que peut être, alors que nous avions cru le modeler à notre envie, c’est l’inverse qui s’est produit. Le chien s’est montré si persuasif qu’il nous a caninisé, il a influé sur le processus d’évolution de l’homme de sorte que celui n’a pu, bien qu’il se détourné de la nature, se passer des chiens, derniers oripeaux d’une vie primitive et proche de la nature. Aussi farfelue que soit cette idée, elle porte en elle une infime part de vérité sur la relation que nous entretenons avec nos chiens.

L’homme et le chien, d’après les recherches les plus récentes, auraient scellé leur union en Chine et Europe. Si l’humain moderne est arrivé d’Afrique via le Proche orient, il est arrivé en Chine il y a 80000 ans, en Australie, il y a 65 000 ans, en Europe, il y a 45 000 ans, en Amérique, il y a 35 000 ans… On pense que la domestication s’est faite plusieurs fois entre 35 000 et 20 000 ans avant d’atteindre une ampleur non négligeable, systématique et d’une portée majeure pour l’homme entre 20 000 et 16 000 ans. L’origine de la plupart des chiens actuels provient

Il n’existe pas de races chiens qui puissent être considérées comme plus primitives au sens de la génétique bien que le processus de domestication a entrainé un extrême différenciation des morphotypes et des caractéristiques comportementales. Seules quelques races ont été sélectionnés avec de nouveaux apports de loup, comme le Chien Loup Tchécoslovaque et le Loup de Sarloos.

On ne sait pas vraiment comment s’est faite la rencontre et ce qu’ils se sont dit ce jour là. On ne sait pas avec certitude ce qui les a poussé à se rencontrer, toujours est-il qu’ils se sont dits qu’il valait mieux une cohabitation qu’une compétition, une union plutôt qu’une opposition. Ils se sont sans doute dits qu’il y avait plus à gagner à vivre à deux qu’à mener une existence solitaire. Ils se sont partagés les tâches. L’homme a offert un gîte et un couvert au chien, celui-ci lui a offert de dormir paisiblement pendant qu’il montait la garde. Le fait de pouvoir dormir paisiblement a surement joué un grand rôle dans le développement du cortex cérébral chez l’être humain. L’homme a continué à nourrir le chien quand celui-ci s’est modifié pour rendre de nombreux services à son hôte. Il est devenu protecteur, chasseur, gardien de troupeau…

Contrairement à ce qui se dit ici et là, la domestication fut un processus très laborieux. « Sur quelques espèces de mammifères et 10000 espèces d’oiseaux qui ont vécu sur terre ces 100000 dernières années, l’homme n’a réellement domestiqué que quelques dizaines. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé d’en domestiquer davantage. » D.Guillo, Des chiens et des Humains. Si nous passons sur l’époque moderne moins glorieuse, nous pouvons dire que l’homme ne s’est sans doute pas comporté comme le docteur Frankenstein, modelant le chien à son image, comme on le dite souvent. Le chien est, au contraire, le fruit d’une domestication longue et chaotique et il n’est pas sûr que nous ayons totalement maitrisé le processus d’un bout à l’autre de la chaîne. C’est un avatar de l’anthropomorphisme que de croire que l’homme a complètement façonné le chien.

Il est important d’ajouter, pour comprendre le rôle du chien, que sa domestication a été bien plus précoce que celle des autres espèces et occupe donc une place à part des autres animaux qui vivent à nos côtés. Le chien, comme nous l’avons dit, a été domestiqué au paléolithique, les herbivores (vache, cochon, mouton, chèvre, cheval) au néolithique…. et le chat seulement durant la période gallo-romaine. Le développement de ce lien sur une si longue période explique surement, en partie, la force des liens qui nous unissent aux chiens ainsi que les capacités que nous avons développés pour communiquer et cohabiter les uns avec les autres.

L’hypothèse la plus séduisante (je sais que ce mot n’a pas sa place en sciences !) sur la rencontre, est celle qui propose l’idée d’un chien qui n’était plus tout à fait loup et pas encore canis familiaris. Celui-ci se serrait rapproché des humains pour manger les restes; c’est l’hypothèse du chien éboueur de Coppinger. Ils n’avaient rien de « commun » et pourtant leurs évolutions respectives les avaient pourvus d’attributs propices à la rencontre, de sorte que celle-ci devienne une évidence. Au fur et à mesure du rapprochement les humains auraient accueillis des jeunes chiens en leur foyers et auraient ainsi permis le développement d’une double empreinte. Ce fut les débuts, maintes fois reproduis dans diverses communautés, qui ont permis le fort attachement de l’homme vers le chien et du chien envers l’homme. L’homme était « sage » mais pas encore double « sapiens », le chien est devenu « Canis familiaris ». De l’union originelle de l’homme et de l’ancêtre du chien (chainon manquant là aussi) est né le chien, variation d’un loup par acclimatations successives à l’environnement humain. Dès lors, le chien n’a cessé de s’anthropomorphiser et nous de nous caniniser !

D’autres auteurs avancent que des groupes de chasseurs-cueilleurs ont interagi avec des loups (ou un loup « génétiquement modifié ») pour chasser les mêmes proies et s’entraider en ajoutant la tactique des uns à la tactique des autres, de sorte à être plus efficaces. Ainsi aurait débuté une coopération utile à la survie des uns et des autres… Les humains se seraient procurés les morceaux de choix et aurait laissé les restes à leurs auxiliaires. Pat Shipman est l’un des défenseurs de cette hypothèse.

Peut être que la vérité se situe à la convergence de ces hypothèses qui de premier abord ne s’excluent pas l’une l’autre et paraissent compatibles. Peut être que les scénarios ont été différents selon les milieux et le contexte social et environnemental dans lesquels ils ont eu lieu.

Et que penser de l’idée du chien qui a façonné l’homme au point que celui-ci ne puisse se passer de lui ? Le succès du chien dans la vie de l’homme ne le doit on pas au chien en priorité. Le chien s’est, en tant qu’espèce, rendu suffisamment désirable, pour que l’humain l’emporte avec lui, dans ses bagages, au cours d’un voyage de plus 40000 ans. Telle est l’hypothèse de Budiansky qui affirme que les ancêtres des chiens ont évalués suivant une statégie qui consiste à exploiter certaines de nos faiblesses. En tant que primates nous étions prédisposés à nous attacher à une progéniture qui nécessite une longue période de protection, nous étions biologiquement programmés pour offrir tendresse et protection à des petits êtres fragiles et sans défenses. Yeux ronds, cris aigus, recherche de contact physique et de chaleur, ces petits mammifères, avaient, dès la naissances, toutes les caractéristiques pour nous émouvoir. En adoptant, tout au long de leurs existences, ces expressions, les chiens nous auraient, en quelque sorte, manipulées. Tel est pris qui croyait prendre !

L’explication de Coppinger ainsi que les réflexions de Budiansky nous permettent d’envisager autrement le chien, non comme le produit passif d’une volonté de puissance mais un processus de co-évolution riche et réciproque. Bien sûr d’autres chercheurs ont souligné les faiblesses de ces hypothèses, parfois approximatives. Faute de mieux, je les fais mienne. Quoi qu’il en soit, le processus de domestication est complexe et multifactoriel et ne saurait se réduire une vision simpliste de l’homme comme d’un nouveau Prométhée qui aurait façonné le chien à son image.Si la philosophie occidentale n’a jamais su sortir du paradigme dialectique nature/culture, où situer le chien ? Alors que la philosophie prétendait que le chien était un être par nature, l’éthologie a vu en lui, dans ses débuts, un animal dénaturé par l’homme et a estimé, en cela, qu’il n’était pas un sujet d’étude suffisamment « noble ». S’il n »est ni l’un ni l’autre alors comment le définir ? C’est vers l’anthropologie et les travaux de Philippe Descola que nous devons nous tourner pour trouver une réponse et surtout nous permettre d’envisager une pensée féconde afin de repenser notre rapport à l’animal en général et au chien en particulier. Le chien et l’homme, par delà nature et culture, pourront ainsi trouver un terrain d’entente pour parler de personne à personne et non plus de sujet à objet.

J’ajouterai à cela une hypothèse sur la symbolique et le besoin de chien dans nos vies: je pense que l’homme n’a jamais totalement renoncé à une vie harmonieuse avec la nature et que le chien représente symboliquement ce mythe primitif. L’homme, ainsi, garde auprès de lui le chien pour lui permettre de ne pas oublier ce qu’il a été et pour lui permettre, un jour, de retrouver le chemin de l’éden perdu. Le chien est la part de nature que l’homme emporte avec lui au fur et à mesure qu’il s’isole des autres animaux non humains. D’ailleurs le succès des chiens de berger est à ce titre très représentatif du besoin grandissant de liberté et de nature alors que la plupart des propriétaires vivent dans un milieu très urbanisé. La plupart de ces personnes, quand elles parlent de leurs envies de chiens, évoquent pratiquement tout le temps une projection inconscient sur le chien et sur la vie hypothétique qui sera la leur: le chien de berger, le troupeau, la nature, l’intelligence relationnelle, la liberté, les origines… En ceci le berger australien a remplacé l’éphémère mais dévastateur succès des chiens de traineau de la fin du 20ième siècle. Les bergers occupent, d’ailleurs, aujourd’hui, la première place des chiens présents en relation d’aide et le succés de ceux-ci ne saurait être due qu’à leur seule aptitude à la relation ( Ce qui n’est d’ailleurs pas une réalité toujours manifeste selon les individus, le chien de berger étant bien trop souvent scotché à son maître…)

Il est un fait de notre modernité qui veut que plus l’homme fait souffrir et maltraite les animaux d’élevage et plus il élève les conditions de vie et le bien être du chien. Le chien c’est peut être aussi, un peu, sa rédemption pour tout ce qu’il fait subir autres animaux.

Que dire alors de l’hypothèse de la néoténie, le secret de jouvence des chiens ? On dit d’un chien qu’il est néoténique, c’est à dire qu’il garde toute sa vie les traits d’un nouveau-né. En d’autres termes l’hypothèse de la néoténie défendrait l’idée que les chiens seraient des loups maintenus en enfance, ce qui se traduirait par la persistance, à l’âge adulte, de traits observés chez les louveteaux. Les tenants de cette hypothèse pense que là réside le grand succès du chien au sein de l’humanité. Cette réflexion aussi séduisante qu’elle paraisse a été, il y a peu, remise en question par des recherches récentes. Toujours est-il que l’énorme succès de certaines races dans les milieux urbains tendent à souscrire, tout du moins en partie, à l’idée d’un chien aux traits de nouveaux-nés, Chiwawas, Bouledogues, Carlins…

A ce stade, il est important d’interroger la question de la subjectivité chez le chien. Selon la tradition philosophique occidentale, depuis Descartes, il existe une coupure nette entre l’homme et le reste du vivant, dénué de subjectivité. De façon divergente le propre de l’homme est toujours la raison invoquée pour dénier, à l’animal et donc au chien la capacité de dire « je »: absence de volonté de puissance, absence de langage articulé, absence de libre-arbitre, d’intentionnalité, d’abstraction…. Le chien serait plus dépourvu que pourvu ! Néanmoins, au regard de ce que nous disions précédemment sur une forme d’intentionnalité dans le processus de domestication, il est permis de se demander si le chien est en capacité d’exprimer des besoins et de mettre en œuvre des stratégies comportementales afin d’accommoder l’environnement à sa guise et donc de faire preuve de comportements subjectivés. En tant que propriétaire de chien nous avons tous fait le constat que le chien, de par ses attitudes et les interactions qu’ils initient est capable de nous faire comprendre ce que sont ses besoins, ses envies, ses désirs, ses préférences… s’il n’est pas capable d’atteindre seul ses visées, il saura suffisamment, et avec talent, nous influencer pour que nous l’aidions dans cette quête. A bien des égards, ils sont beaucoup plus subtils et perspicaces que nous voulons bien le dire.Ils sont bien loin de l’animal-machine décrit par Descartes. Bien que doté d’une psychologie sommaire et d’une piètre capacité d’élaboration, en comparaison à celles de l’être humain, il est judicieux de se demander si le chien est une personne capable de « dire » et d’échanger sur ce qu’il souhaite advenir et sur la nature des relations qu’il désire. Encore faudrait-il l’en croire capable et apprendre à entendre ce qu’il a à nous dire. s’il n’est pas tout à fait sujet, il me paraît évident qu’il y a une intersubjectivité dans la relation que nous entretenons avec nos fidèles amis.

En cela je refuse totalement d’adhérer à la thèse du chien illusion qui voudrait ne définir le chien que comme une projection anthropomorphique illusoire, engendrée par une crise de la modernité et une société individualiste… Adhérer à cette thèse reviendrait à réfuter toutes celles qui donnent à l’homme et au chien une si ancienne et indéfectible relation !

A suivre

ARRICASTRES Arnaud

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